C’est avec beaucoup d’enthousiasme que nous avons pris la mer pour les BVI. Notre excitation de quitter la zone Saint-Martin / Martinique a vite fait place à un ras le bol général (surtout venant de l'équipage féminin) face à une mer très capricieuse. Nous avons été secoués telle une boule dans un flipper pendant 48 heures. La mer ne s’est calmée que lors de notre approche des Îles Vierges Britanniques (BVI) et nous avons été gratifiés par la visite de cinq dauphins. C’est donc crevés que nous jetons l’ancre dans Biras Creek. A peine arrivés, Stef descend l’annexe pour se contraindre à la corvée des papiers d’immigration. Après tout, c’est le capitaine! Pas de chance, l’ouragan Irma n’a pas juste emportés les arbres, mais aussi le bureau d’immigration. La petite cabane bleue qui servait d’office n’est plus. Nous remontons l’ancre pour contourner l’île et aller à Spanish Town, tout en espérant que nous n’aurons pas à aller plus loin aujourd’hui.

Il ne reste plus grand-chose de la principale ville de Virgin Gorda. L’ouragan a emporté, arbres, maisons, bateaux et même certains pontons de la marina. Pas question de rester une minute de plus que nécessaire, et rebelote, nous montons les voiles pour repartir vers le nord et enfin nous arrêter à Tetor Bay.

Tetor Bay semble très ouverte, mais nos cartes nous indiquent une barrière de récifs qui nous oblige à avancer prudemment. Notre guide nous indique qu’il est également fortement conseillé d’effectuer l’entrée de la passe avec un bon ensoleillement. Pas de chance, le soleil se couche, nous devrons faire confiance à notre carte!  

L’ouragan Irma aura au moins eu le mérite, pour nous, de faire fuir les plaisanciers. Là où, il y a 6 mois, nous ne pouvions même pas espérer avoir une place au mouillage tellement les BVI étaient prisées par les agences de location de bateaux, nous sommes seuls au monde! Matinée snorkeling. Les filles ont vu leur premier requin récif…qui dormait sous les algues. Pas si méchant!

Nous avons passé l’après-midi à la plage et avons fini par un feu. Malheureusement, les moustiques se sont invités à notre petite soirée et face au nombre, nous n’avons eu d’autre choix que la fuite.

Les BVI sont composées de plusieurs îles, mais nous pensions rester autour de Virgin Gorda, en attendant une bonne fenêtre météo pour nous rendre aux Bahamas. Nous n’avions pas trop apprécié, lors de notre croisière en mai, la horde de bateaux qui se battaient pour avoir une bouée. Mais comme il n’y a plus personne, nous décidons d’en profiter un maximum.

Prochaine étape, les Dogs : 3 îlots sous la protection des parcs nationaux. L’ancrage est interdit et nous devons prendre une bouée, mais comme il n’y a plus de plaisanciers, plus personne ne vient chercher la contribution pour les bouées. Étant un parc, nous n’avons pas le droit de pêcher et bien sur les fonds foisonnent de vie sous-marine. Pour une fois! Deux locaux s’en donnent pourtant à cœur joie et massacres à coup de harpons des dizaines de poissons.

L’après-midi, je nage au sud de l’île vers une petite plage et Cloé me rejoint. Léa en voyant sa sœur aussi sur la plage décide de venir. Je vois de loin, Léa qui part avec ses palmes, masque et tuba, dans une nage décidée. Seulement, Stef doit la rattraper car elle s’en allait vers le large et non la plage. C’est bien là notre fonceuse!

Nous poursuivons vers Marina Cay, une petite île nichée derrière une barrière de corail entre les îles Camanoe et Scrub. Je compte de mémoire 40 bouées de mouillage. Nous sommes encore une fois seuls. Un bateau vient et repart dans la journée, ce sera tout.

 

Marina Cay est une toute petite île prisée pour son bar Pusser. Un rhum anglais qui a le mérite d’être excellent. L’îlot idyllique n’est maintenant plus qu’un tas de gravats. Les deux bars extérieurs sont complètement détruits, les arbres sont arrachés, le ponton est inutilisable. Ce qui nous a la plus choqué et de se rendre compte que les gens ne se sont pas du tout préparés pour l’ouragan. Rien ne semble avoir été rangé. Les petits frigos extérieurs ont été laissés sur place avec des centaines de bières, les bancs, chaises, décorations ont été laissé dehors. Même l’appareil à carte bleue était branché à l’extérieur. On aurait pu croire qu’ils ne s’attendaient pas à l’arrivée de l’ouragan prévu depuis une semaine et qui, en passant, a détruit Saint-Martin un ou deux jours auparavant. À quoi ont-ils pensé?

Après avoir discuté avec un local, nous avons compris qu’il y a régulièrement des tempêtes, mais rarement aussi fortes. Les BVI attirent énormément de plaisanciers et il est préférable de s’auto convaincre que les BVI ne sont jamais touchées par les ouragans afin d’éviter d’effrayer les bases de location de bateaux. J’ai lu dans un document pré-départ d’un de ces loueurs de bateaux, qu’ils avaient une procédure d’évacuation en cas d’ouragan et qu’ils y avaient amplement des mouillages dans des trous à cyclones pour ne pas être inquiétés. Il n’y a aucun mouillage qui offre réellement une telle sécurité. D’une part, les bateaux ne sont pas équipés au niveau mouillage pour faire face à de gros vents. Et d’autre part, les bouées ne sont pas faites pour tenir des bateaux de plusieurs dizaines de tonnes par des vents supérieurs à 60 nœuds (110km/hres). Irma ayant atteint des vents de 240 km/heures!

Pour en revenir à nos aventures, Irma n’a pas eu que des côtés négatifs. Alors que nous faisions du snorkeling à côté de l’ancien ponton de la marina Pusser, j’ai trouvé une première bouteille de gin. Mais comme nous n’aimons pas cela, je l’ai relâchée. Mon œil averti a rapidement oublié les poissons et j'ai repéré une bouteille dont le liquide ambré était beaucoup plus intéressant. Les vents ont emporté le bar extérieur et ce qu’il y avait avec, soit entre autre des bouteilles de rhum et de vins. Nous avons ramassé en tout 20 bouteilles de rhum et une dizaine de vin...au moins ce n'est pas perdu pour tout le monde!

Nous avons également récupéré un kayak échoué sur la côte. On en a bavé pour le mettre sur le bateau car il était plein de sable. On pensait pouvoir le réparer et les filles étaient supers excitées à l'idée de se promener avec. Il prenait beaucoup de place sur le côté bâbord et cela voulait dire que l'on condamné ce côté du bateau. On s'en est débarrassé dans un autre mouillage.

Nous sommes allés à Trelis Bay et nous avons découvert un spectacle de désolation. Plus d’une dizaine de bateaux se sont échoués lors du passage d’Irma. Il n’y a aucun mot pour expliquer ce désastre. Mais encore une fois, nous pensons que les gens ne se sont pas préparés. Il y a même un homme qui est resté dans son bateau. Il s’est rendu compte de sa situation et lors du passage de l’œil du cyclone, il a quitté son bateau qui a fini cassé sur le sable. Les bateaux sont restés tel quel depuis 3 mois et les propriétaires ne semblent pas être venus chercher leur affaires. Il y a beaucoup de pillage sur ces bateaux, mais cela est compréhensible puisque personne ne s’occupe de les faire enlever.

Nous avons fait un bref passage à Salt Island afin de voir l'épave du Royal Mail Steamer Rhone. Un immense voilier échoué en 1867 à cause d'un ouragan. Lors de notre passage, le temps était gris, il y avait beaucoup de vent, du courant et de la houle. Nous nous sommes attachés à une bouée et je suis allée seule voir ce qu'il en était. Bien que ce soit une attraction des BVI, il ne reste plus grand chose et vu le temps, la visibilité était réduite. Stef n'est même pas allé le voir et nous sommes directement allés à Peter Island, puis à Road Town pour faire notre immigration de sortie.

Nous faisons un dernier arrêt à Guana Island pour quelques heures le temps de manger et de ranger le bateau. Puis en début de soirée, départ vers les Bahamas!