La navigation pour quitter les Bahamas fut aussi épouvantable qu’à l’aller. Tout du moins les 48 premières heures. Gros vent de face, vagues, grain à ne plus finir, froid. Lorsque nous avons pris le passage entre les îles pour rejoindre la côte au vent, le courant devait être d’environ 4 nœuds ce qui a rendu la passe périlleuse puisque un mauvais coup de barre nous envoyait tout droit dans les rochers. Dans ces moments, il est préférable de ne pas parler au capitaine…
Nous pensions partir directement pour Panama, mais au vu des conditions, nous nous sommes arrêtés pour la nuit à Aucklins et Great Inagua que nous avons atteint au bout de 72 heures.
Depuis Great Inagua, la navigation c’est nettement améliorée. Nous avons passé le windward channel entre Haïti et Cuba dans des conditions formidables. Vent dans le dos, génois tangonné, un courant également dans le dos pour atteindre une vitesse moyenne de 9 nœuds et des pointes à 11.5 nœuds. Du jamais vu sur notre bateau!
Les filles ont voulu faire leur premier vrai quart de surveillance, sans notre présence. Léa avait même préparé sa stratégie pour régler les voiles…Elle est a beaucoup d’imagination cette petite. Nous les avons donc laissées seules dans le cockpit à partir de 19H30 avec pour consignes de nous avertir si elles voyaient des lumières. Je suis monté au bout de 45 minutes pour voir si tout allait bien et elles se sont jetées sur moi en panique…Elles avaient peur que l’on se fasse attaquer par des pirates. La nuit, l’imagination, les histoires et la proximité D’Haïti qu’elles savent très pauvres, ont eu le dessus sur leur volonté. Elles n’ont pas non demandé leur reste quand je leur ai proposée d’aller se coucher!
Les jours suivant se sont déroulés sans encombre. Au programme : siestes, jeux, repas, sieste, lecture, etc. Nous avions lancé les paris pour le nombre de poissons pêchés, Léa et moi sommes toujours très optimistes, mais personne ne gagnera. À chaque fois que nous pensons avoir une touche, nous remontons des algues. Nous avons fini par enlever la ligne. Peut-être devrions nous essayer la sargasse en salade, c’est peut être bon!
À l’approche de la Colombie, des vagues de 4-5 mètres se sont levées. On les avait ¾ arrière, donc pas problèmes si ce n’est que le bateau tangue et surfe sur les vagues. Les filles jouaient en bas et Stef et moi étions dans le cockpit lorsqu’une vague un peu plus grosse que les autres (peut-être 6-7 mètres), d’un bleu turquoise hypnotisant nous a pris de vitesse. Stef a maintenu la barre, et j’ai juste eu le temps de tenir au plus court ma longe de survie avant qu’un mur d’eau se déverse sur nous. Pendant quelques secondes qui m’ont parues des minutes, j’étais littéralement sous l’eau, allongé dans le cockpit à me tenir le mieux possible pour ne pas être expulsé en dehors du bateau. Des centaines de litre d’eau ont ensuite dévalé l’escalier intérieur du bateau pour finir sa course dans les cales. À peine remis de nos émotions qu’il a fallu évacuer l’eau des cales. C’est encore trempé que j’ai ouvert les planchers pour évaluer l’ampleur des dégâts. Léa m’a aidé et nous avons mis au moins une heure à tout vider. Heureusement, nous étions attachés et les filles étaient dans le bateau lorsque cela est arrivé.
Les deux derniers jours ont été plus long avec du vent soutenu (35-40 nœuds) et de grosses vagues. Nous commencions à en avoir marre aussi. Dans ces conditions, il m’arrive parfois de regretter le Québec, je me rappelle la douceur du feu de cheminée à regarder la neige qui tombe paisiblement.
Stef pour la première fois a eu le mal de mer. Curieusement, je me sentais en pleine forme!
Nous sommes arrivés à Linton Bay au Panama après 10 jours de navigation depuis Great Guana Cay.